Un shell, quel qu'il soit, peut exécuter des commandes prises dans un fichier. Un fichier contenant des commandes pour le shell est appelé un script. C'est en fait un programme écrit dans le langage du shell. Ce langage comprend non seulement les commandes que nous avons déjà vues, mais aussi des structures de contrôle (constructions conditionnelles et boucles).
Pour la programmation du shell, nous allons utiliser le shell
sh
, qui est le plus répandu et standard. Ce que nous avons
vu jusqu'ici s'applique aussi bien à sh
qu'à
zsh
et aussi à csh
, à quelques exceptions
près, que nous vous signalerons en temps voulu.
Un script shell est un fichier en mode texte. C'est-à-dire que ce n'est pas un fichier binaire, exécutable directement par la machine, mais il doit être interprété.
L'interprétation signifie que chaque commande contenue dans un script doit être lue par un programme, appelé interpréteur (et non interprète, bizarrement) ; l'interpréteur analyse chaque commande du script et la traduit « à la volée » en langage machine, ce qui permet l'exécution du script.
Dans le cas des scripts shell, l'interpréteur, c'est le shell lui-même. Dans d'autres langages, comme le Perl, l'interpréteur est un programme indépendant du shell.
Un script étant un fichier en mode texte, il doit être créé avec un éditeur de texte. Un éditeur de texte est un programme dont la fonction est... d'éditer du texte. Pour savoir plus à leur sujet, consultez les pages sur les éditeurs.
Mais quel éditeur choisir ?
Tout d'abord, il faut savoir que n'importe quel éditeur est capable d'ouvrir et d'écrire des scripts shell, et vous pouvez tout à fait modifier avec n'importe quel éditeur de texte ce que vous avez écrit avec n'importe quel autre.
Mais il faut savoir aussi que certains éditeurs de texte sont
plus appropriés que d'autres à l'écriture de scripts shell. Par
exemple, nano
permet d'éditer des scripts comme tout autre
éditeur, mais quand un script fait plus d'une dizaine de lignes, on
commence à s'y perdre un peu. À l'inverse, emacs
et
vim
offrent quelques fonctionnalités qui deviennent rapidement
indispensables :
L'indentation consiste à « aérer » votre texte selon sa construction logique. C'est très utile, en particulier, quand on a un script qui ressemble à ceci :
#!/bin/bash # Fichier "vote-nir" echo "Êtes-vous favorable au remplacement du NIR par le VIR ?" select opinion in Pour Contre do case $opinion in # Laisser passer ceux qui répondent correctement à la question "Pour"|"Contre") break;; # Au cas où des zozos tapent sur autre chose que 1 ou 2 *) continue;; esac done # M'envoyer le résultat par mail echo "$opinion" | mail bourdieu
Même (surtout) si vous ne comprenez pas ce que tout cela veut dire, vous conviendrez que ce n'est pas très lisible. Comparez donc avec ceci :
#!/bin/bash # Fichier "vote-nir" echo "Êtes-vous favorable au remplacement du NIR par le VIR ?" select opinion in Pour Contre do case $opinion in # Laisser passer ceux qui répondent correctement à la question "Pour"|"Contre") break;; # Au cas où des zozos tapent sur autre chose que 1 ou 2 *) continue;; esac done # M'envoyer le résultat par mail echo "$opinion" | mail bourdieu
Les deux scripts sont interprétés exactement de la même façon : l'interpréteur ignore les espaces et les lignes vides. Mais avec l'indentation, on perçoit immédiatement (en tout cas, beaucoup plus vite) la structure logique du script.
Les éditeurs comme emacs
et
vim
analysent automatiquement le statut des différents mots et symboles que
vous tapez et les colorent logiquement. Par exemple, avec emacs, vous
pouvez avoir :
Ça n'a l'air de rien, dit comme cela, mais comparez vous-même et vous verrez que ces outils sont indispensables, et que l'on y gagne au moins la moitié du temps d'écriture et de débugage.
emacs
ou vim
Apprenez donc, si ce n'est pas déjà le cas, les commandes de base d'emacs ou de vim, ce sont des outils quasi incontournables au programmeur shell, surtout débutant.
Heureusement, les tuteurs vous ont concocté des pages
d'initiation : le tutorial
emacs
et le tutorial
vim
.
Vous hésitez entre emacs
et vim
? Tout
le monde est passé par là. Jetez un coup d'œil à chacun des deux,
puis concentrez-vous sur celui qui vous paraît le plus sympathique et le
plus pratique ; et si vous hésitez encore, tirez-en un au
sort, ils se valent vraiment.
Pour que le shell sache comment l'interpréter, un script shell doit commencer par la ligne:
#!/bin/sh
Il doit aussi avoir être exécutable (bit x
). Le
#!/bin/sh
sur la première ligne indique que ce script doit être
exécuté par le shell sh
dont on indique le chemin
d'accès. Pour rendre un fichier exécutable, tapez :
chaland ~ chmod u+x fichier
(pour en savoir plus sur les droits attachés à un fichier, consultez la page sur les droits d'accès).
Pour comprendre ce qui suit, vous devez savoir ce qu'est le
PATH
. Si ce n'est pas le cas, lisez la présentation du shell.
Quand vous exécutez un script, vous pouvez vous trouver à
n'importe quel endroit de l'arborescence de vos répertoires. Si le
répertoire courant ne se situe pas dans votre PATH
et
que vous voulez exécuter un programme qui s'y trouve, vous ne pouvez
pas taper :
clipper ~ commande
car si le répertoire courant n'est pas dans le
PATH
, le shell n'ira pas y chercher
commande
.
Vous recevrez donc un message comme :
clipper ~ commande
zsh: command not found: commande
Pour que le shell comprenne où chercher votre commande, il faut donc spécifier l'emplacement de la commande en donnant son chemin, qu'il soit absolu :
clipper ~ /home/toto/repertoire/courant/commande
ou relatif :
clipper ~ repertoire/courant/commande
ou encore sous la forme :
clipper ~/repertoire/courant ./commande
~/bin
Il y a un certain nombre de commandes que l'on peut vouloir utiliser depuis n'importe quel répertoire. Dans ce cas, il est fastidieux de :
Il suffit donc de mettre tous vos scripts dans un même
répertoire, et de mettre ce répertoire dans le
PATH
. Par convention, ce répertoire s'appelle
bin
et se place dans votre répertoire personnel. Si
votre répertoire personnel est /home/toto
, ce
répertoire sera donc /home/toto/bin
.
Commencez donc par créer ce répertoire :
clipper ~ mkdir bin
Ensuite, vérifiez qu'il soit bien dans votre PATH
:
clipper ~ echo $PATH
Si vous voyez par exemple $HOME/bin
dans votre PATH
, alors c'est bon, tous les fichiers
exécutables situés dans ce répertoire seront accessibles depuis
n'importe quel répertoire.
Si ce n'est pas le cas, il faut ajouter ce répertoire au
PATH
. Pour cela, ajoutez dans le fichier de configuration
de votre shell, par exemple le fichier .zshrc
, la
ligne :
PATH=$PATH:$HOME/bin
Cette ligne indique que la prochaine fois que vous
ouvrirez votre shell, le répertoire bin
figurera dans
votre PATH
.
Si vous manipulez déjà le shell en ligne de commande, vous pouvez commencer vos premiers scripts. Un script shell est en effet avant tout une succession de commandes.
Par exemple, si vous avez coutume de taper successivement, quand vous vous loguez à l'ENS :
clipper ~ mozilla & clipper ~ mutt
vous pouvez vous créer le script suivant dans le
fichier ~/bin/amorce
:
#!/bin/sh mozilla & mutt
Ainsi, dès que vous vous connectez, vous pouvez taper
amorce
dans le shell, et vos commandes s'exécuteront
automatiquement.
Presque tous les langages informatiques autorisent d'insérer des commentaires ; le shell n'échappe pas à la règle. Pour cela, il suffit de faire précéder chaque ligne de commentaire du caractère « # ». Exemple :
#!/bin/sh # Tout ce que j'écris ici ne sera pas lu. echo "Ce que je tape ici sera lu."
Les lignes de commentaire sont tout bonnement ignorées par l'interpréteur. Alors, allez-vous demander, à quoi servent-elles si elles ne servent à rien ? Elles sont indispensables pour tout programmeur, car elles lui permettent de « commenter » son programme, c'est-à-dire d'écrire ce qu'il veut, comme dans la marge d'un livre.
Les commentaires jouent pour beaucoup dans la lisibilité d'un programme par un humain. Car les lignes de commande pures sont relativement austères ; des commentaires permettent de les décrire à l'intention d'un être humain.
Sans doute allez-vous vous demander quel être humain cela peut bien intéresser. Eh bien, quelqu'un d'autre que vous qui lit ce code ; ou bien vous-même, dans un mois, un an, une décennie, ou plus, quand vous aurez tout oublié de ce programme et de son fonctionnement.
N'hésitez donc pas à recourir abondamment aux commentaires, qui accroissent la lisibilité de votre programme, même s'ils n'ont absolument aucune influence directe sur son fonctionnement intrinsèque.
Les lignes blanches ne sont pas interprétées non plus. N'hésitez donc surtout pas à espacer votre script, les lignes blanches ne consomment presque rien en termes d'espace disque, ce n'est donc pas une ressource rare ; et elles facilitent considérablement la lecture pour un être humain.
Pourquoi espacer son script ? Pourquoi insérer des commentaires ? Pour une seule et même raison : votre script doit être lisible. Pourquoi être lisible ?
D'abord, pour autrui : si d'autres gens lisent votre script, il doit être intelligible, et les passages complexes doivent être explicités par des commentaires.
Ensuite, pour vous-même ; au moment où vous écrivez un script, vous comprenez tout, naturellement ; mais si vous le relisez dans quelques mois, voire quelques années, les passages obscurs risqueront d'être incompréhensibles, ce qui est particulièrement pénible quand on essaye de débuguer un programme, c'est-à-dire d'en corriger les erreurs.
echo
Maintenant que vous savez comment on peut exécuter un script, il s'agit de le remplir... Commençons par ce qu'il y a de plus simple : afficher du texte.
Traditionnellement, on commence par faire un programme qui affiche
simplement la ligne « Hello world » (ce qui signifie en
anglais : bonjour au monde entier). Faites donc un fichier
helloworld
contenant les lignes suivantes :
#!/bin/sh # Fichier "helloworld" echo "Hello world"
Exécutez ensuite ce programme, par exemple en tapant, dans le répertoire où il se trouve :
clipper ~ $ ./helloworld
Hello world
Ça y est, vous avez créé votre premier programme ! Lancez-le autant de vous que vous voulez, vous avez bien mérité d'être fier de vous.
Exercice : francisez ce script.
echo
La commande echo
sert à afficher du texte. Chaque ligne de
texte est écrite sur une ligne à part. Exemple :
#!/bin/sh # Fichier "bonjour" echo "Bonjour... " echo "Comment allez-vous ?"
affiche les lignes suivantes :
Bonjour... Comment allez-vous ?
et non :
Bonjour... Comment allez-vous ?
Si vous voulez annuler le retour chariot qui a lieu par défaut à la fin
de toute commande echo
, il faut utiliser l'option
-n
. Le programme sera alors :
#!/bin/sh echo -n "Bonjour..." echo "Comment allez-vous ?"
Alors seulement, vous pourrez avoir :
Bonjour... Comment allez-vous ?
Faisons mieux encore : votre script va citer des variables. Pour savoir ce que sont des variables, allez voir la page sur les variables.
La variable USER
contient le login de
l'utilisateur ; la variable PWD
(pour print
working directory) affiche le répertoire courant. Faisons donc le
script suivant :
#/bin/sh # Fichier "mon-pwd" echo "Bonjour $USER..." echo "Tu es actuellement dans le répertoire $PWD."
Comme vous pouvez le remarquer, pour citer le contenu d'une variable, on ajoute le signe dollar ($) devant son nom.
read
Parler c'est bien, écouter c'est mieux. Jusqu'ici, votre programme est capable de parler, de dire bonjour, mais il n'est même pas capable de vous appeler par votre nom, tout juste par votre login, ce qui n'est pas très intime...
Nous allons donc lui donner la faculté d'écouter, grâce à la commande
read
. Prenons le script suivant :
#!/bin/sh # Fichier "mon-nom" echo "Bonjour... Comment vous-appelez-vous ?" read nom echo "Je vous souhaite, $nom, de passer une bonne journée."
Vous connaissez déjà la commande echo
. La commande
read
permet de lire des variables. Si vous exécutez ce
script, après avoir affiché la ligne
Bonjour... Comment vous-appelez-vous ?
le shell va attendre que vous tapiez votre
nom. Tapez par exemple Toto
, puis appuyez sur Entrée, et
vous verrez :
Bonjour... Comment vous-appelez-vous ? Toto Je vous souhaite, Toto, de passer une bonne journée.
read
doit être suivie du seul nom de la
variable, non précédé du signe dollar. Le signe
dollar ne doit précéder le nom de la variable que lorsque l'on cite son
contenu.
La commande read
permet également de lire plusieurs
variables. Il suffit pour cela d'indiquer à la suite les noms des
différentes variables. Exemple :
#!/bin/sh # Fichier "administration" echo "Écrivez votre nom puis votre prénom :" read nom prenom echo "Nom : $nom" echo "Prénom : $prenom"
Vous aurez :
Écrivez votre nom puis votre prénom : Hugo Victor Nom : Hugo Prénom : Victor
Nous avons vu comment utiliser read
avec un seul
argument et avec plusieurs arguments ; il reste à voir l'usage de
read
sans argument. Oui, c'est possible !
Cela équivaut simplement à attendre un réaction de l'utilisateur, mais
sans mémoriser ce qu'il tape.
Concrètement, cela est très utile après un message « Appuyez sur Entrée pour continuer. » Exemple :
#!/bin/sh # Fichier "continuer" echo "Quelle est la différence entre un canard ?" echo "(Appuyez sur Entrée pour avoir la réponse)" read echo "Les pattes, surtout la gauche."
Vous connaissez maintenant les bases de la programmation en shell. Vous avez déjà de quoi écrire de nombreux scripts qui peuvent vous faciliter la vie de tous les jours. Pour cela, lorsque vous ressentez un besoin, ne vous demandez pas si vous avez les connaissances requises pour écrire un programme donné, mais plutôt comment, à partir de vos connaissances actuelles, vous pourriez le réaliser.
Pour poursuivre votre apprentissage, vous pouvez passer à la lecture des pages suivantes :
Ou bien vous pouvez revenir à la page centrale sur le shell, d'où vous pourrez vous orienter vers d'autres parties du cours.